© Bernard Pinon 1998-2020

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Dernière mise à jour:
Dimanche 13 décembre 2020

Les punks n'aiment pas les synthés. Faut dire que cela supporte très mal les projections de bière, ces engins. Le mouvement punk n'aura dans la musique électronique qu'un rôle d'empècheur de mélodier en rond. C'est ainsi qu'on va voir apparaître une nouvelle race de bidouilleurs, aux tendances cafardeuses, qui vont créer le pendant technologique du "No Future" avec la Musique Industrielle et le Gothique.

La Musique Industrielle aime les sons d'usine, les vrais, et pas ceux qui sont pré-programmés dans les synthés. L'inventeur du concept est le groupe Anglais Throbbing Gristle (littéralement : Le Cartilage Palpitant, je vous laisse deviner à quoi cela fait allusion). Groupe formés de non-musiciens aux instruments fait maison, dont notamment un "sampler analogique" à base de cassettes, ils produisent des spectacles malsains et parfois même effrayants, qui feront école.

Parmis leurs influences, citons Cabaret Voltaire ou Joy Division, qui deviendra New Order après le suicide du chanteur et signera un desgénériques de l'émission Les Enfants du Rock. Noir c'est noir.... A coté les Gothiques font figure de joyeux lurons. Les précurseurs (musicaux seulement, ils ne s'habillaient pas spécialement en noir) furent les Art Bears dont l'album magnifique "Winter Songs" s'inspire des bas-reliefs de la cathédrale d'Angers. Mais un des groupes les plus célèbres sera sans doute The Cure. Enfin, mentionnons le petit chef d'oeuvre de This Mortal Coil "Blood" qui rend au passage un hommage aux grands anciens en reprenant "Late Night" de Syd Barrett.

Techniquement, la musique de cette période va être traversée par trois révolutions.

Un nouvel instrument va petit à petit devenir incontournable: la boîte à rythme, combinaison d'un séquenceur et de générateurs de sons de percussion. La plus célèbre d'entre-elles, la TR-808 de Roland, va devenir un must, à tel point que les boîtes à rythme modernes proposent toujours des reproductions de ses sons très particuliers. Les batteurs commencent à trembler pour leur emploi...

L'arrivée du Reggae va populariser la technique du dub (doublage), qui se pratiquait déjà de manière ponctuelle et discrète (Frank Zappa l'a beaucoup utilisée pour 'arranger' ses disques en public). Elle consiste à utiliser des enregistrements existant en les 'cuisinant' par filtrage de parties, isolation d'extraits, ajout de nouvelles pistes, etc.. pour en faire quelque chose de tout à fait nouveau. Plus qu'un détournement, le dub est une re-création, une relecture d'un morceau.

Le Rock deviens une industrie. Richard Branson, patron de Virgin, se crée un empire, les majors comprennent que le temps du bricolage et de l'improvisation est terminé et étouffent toute créativité, le style de vie baba tombe en désuétude et avec lui les drogues douces qui sont aussitot remplacées par d'autre moins lénifiantes mais ô combien plus toniques... et toxiques, le culte de la réussite sociale se développe. Parallèlement, on sent que la créativité décline, on n'arrête pas de présenter les nouvaux venus comme des "nouveaux Beatles", des "nouveaux Pink Floyd", et en fait il faut chercher très loin la nouveauté. Enfin, l'arrivée du Compact-Disc et la généralisation du tout-numérique va bouleverser la donne du marché du disque.

En Angleterre, Andy Partridge  avec XTC ("English Settlement") utilise intelligemment les instruments, et encore avec parcimonie et sans grande innovation, et Dépèche Mode ("Violator", vers la fin des années 80) sait donner une dimension humaine aux sons synthétiques.

Un disque-exposition génial de cette époque est "Miniatures", une compilation de morceaux de une minute d'artistes différents, où Partridge résume magistralement l'histoire du rock: "Au début étaient les années 50 (vocalise genre be-bop-a-lulla), puis les années 60 (solo tordu de guitare), les années 70 (gros son d'accord hard-rock), et finalement les années 80 (booiing électronique)". On trouve aussi sur ce disques les incontournables Residents reprenant les Ramones, Robert Wyatt jouant avec des boucles sur "Ranger in the Nights", Fred Frith remixant tous ses morceaux ensembles, Henry Chopin interprétant un court poëme, ou Alejandro Vinao qui présente un montage magnétique au millimètre... Indispensable et éclatant.

En Suisse, le dilettante aristocrate Dieter Meier fonde avec le musicien Boris Blank le groupe Yello dont les premiers albums sortis en 1980 seront distribués par les Residents. Ce groupe invente une musique de danse électronique légère et pleine d'humour qui servira de prototype pour de nombreuses copies. (albums: tous).

Les Residents produiront aussi un groupe Californien très intéressant, Tuxedomoon, qui allie instrumentation classique, bidouilles électroniques et théatre expérimental (albums: "Half Mute" et "Desire").

A New-York, Laurie Anderson, héritière des poëtes sonores des années 60, tend une bande magnétique sur l'archet de son violon et fixe une tête de lecture sur la caisse (album: "Big science"). Par la suite, elle s'essaye au Synclavier, ordinateur dédié à la musique et utilisant des sons digitalisés, à partir de l'album "Mister Heartbeat". Anecdotiquement, elle épousera Lou Reed, formant sans doute le couple le plus improbable qui soit !

Frank Zappa s'essaye aussi au Synclavier (album: "FZ meets the Mothers of Prevention") mais avec des résultats très inférieurs à ses anciennes productions. Les Residents, eux, préfèrent l'Emulator, une des premières machines entièrement numériques.

Quelques rares expériences musicales intéressantes voient le jour en France, comme "Un Drame Musical Instantané" (album du même nom) ou les délires de la bande à Portal et Lubat (album: "Turbulence" de Portal, quand à Lubat il faut le voir sur scène). A part ça, c'est toujours le calme plat par chez nous, on commence tout juste à faire du rythm'n'blues (à ne pas confondre avec le R'n'B : le Rythm'n'Blues c'est les Rolling Stones, le R'n'B c'est de la daube) avec Téléphone... ou du disco avec Cerrone. Allez, je suis méchant, on a Jean-Michel Jarre, si je cite Cerrone je peux bien citer Jarre, non? Jean-Michel Jarre est un homme d'affaire avisé et plutôt mignon qui a épousé une actrice talentueuse et a fait sa fortune en produisant des fond sonores pour supermarchés et feux d'artifices. Son père est musicien.

Enfin, le synthé se banalise et fait partie de la panoplie de tout orchestre qui se respecte, du pianiste de bar au groupe de funk (par ex. Earth, Wind and Fire "Let's groove tonight"). On commence à offrir des synthés aux gosse pour Noël. Même Charlie Oleg s'y met.

La nouvelle révolution se prépare la nuit. Les Disc Jockey (prononcer di-djai) commencent à en avoir marre de voir leur rôle se limiter à celui d'animateur-juke-box et s'émancipent en détournant des techniques qui trouvent leurs origines dans les quartiers noirs des Etats-Unis. En combinant boîte à rythme, scratch de disques (on se sert de la platine comme d'un instrument), dubbing, puis plus tard synthés, samplers (échantillonneurs) et ordinateurs, ils font des collages des musiques de danse et finissent par devenir à leur tour créateurs, inventant la House Music.

Allez, pour le plaisir, un peu de techno préhistorique (1970 quand même!) ; ce qui se passe dans la salle est presque plus intéressant que ce qui se passe sur scène et rappelle une scène de "retour vers le futur" "I guess you guys aren't ready for that yet... But your kids are gonna love it.":