(c) Bernard Pinon 1998-2020

phme60.gif (10179 octets)

Dernière mise à jour:
Samedi 12 décembre 2020

 

Les années 60 voient le triomphe des orgues électroniques ou électro-mécaniques, le plus célèbre étant l'orgue Hammond, qui ne font que reproduire en plus compact les sonorités des orgues classiques sans toutefois les égaler.

On voit aussi aparaître d'autres copies électroniques d'instruments classiques, comme le piano électrique Fender, ainsi que des effets électroniques pour instruments amplifiés, comme la célèbre pédale Wah-wah (filtre controllé au pied), popularisée par Jimmy Hendrix puis par Frank Zappa (écouter notamment "Voodoo Child" de Hendrix sur "Electric Ladyland"), la pédale Fuzz (saturation et écrêtage, l'intro de "I can't get no Satisfaction" des Stones) et autres phasing (filtre controllé par un oscillateur), chorus (enrichissement d'harmoniques) ou flanger (filtre en peigne controllé par un oscillateur).

En parallèle, les sons électroniques sont de plus en plus utilisés dans les musiques savante, notamment par Stokhausen en Allemagne, ou Piere Boulez en France. Xénakis compose des pièces à la limite de l'inaudible. L'aérogare de Roissy ouvre et les voyageurs découvrent un curieux jingle électronique genre Biooowa-Boiiing composé par Bernard Parmegiani qui rythme les annonces.

A la fin des années 60, le compositeur Pierre Henry, disciple de Pierre Shaeffer, introduit les sons électroniques dans la musique de danse en produisant avec Michel Colombier le disque "Messe pour le Temps Présent", destiné aux ballets de Maurice Béjart. Ce disque aura un énorme succès populaire mérité qui continue aujourd'hui et a permit au grand public de découvrir le travail obscur des électro-accousticiens. Sur le même disque on peut entendre un morceau purement électronique, "Rock Electronique", où le qualificatif "Rock" est à prendre dans un sens très large, et des extraits d'une pièce de pure musique concrète, "Variations pour une Porte et un Soupir". Par la suite, Pierre Henry se livrera à d'autres expériences du même type, notamment avec le groupe Anglais Spooky Tooth, mais sans jamais rencontrer le succès populaire de "Messe".

A la même époque, on commence à intégrer de manière industrielle les différents composants électroniques sonores dans un même boitier. Le synthétiseur analogique, dont le plus célèbre a été inventé par Moog, se compose en général d'un ou plusieurs VCO (Voltage Controlled Oscillator, oscillateur controllé par voltage), d'un ou plusieurs VCA (Voltage Controlled Amplifier, amplificateur controllé par voltage), d'un générateur d'enveloppe ou ADSR (Attack, Decay, Sustain, Release) permettant de créer l'histoire du son, de filtres controllé par voltage, d'un LFO (Low Frequency Oscillator, oscillateur basse fréquence) qui fournit une modulation de contrôle, d'un clavier qui n'est encore qu'un lot d'interrupteurset de potentiomètres. Les générateurs produisent trois types d'ondes, les sinusoïdes qui sonnent comme des flûtes, les ondes carrées qui sonnent comme des cuivres, et les triangles qui sonnent comme des cordes. Le tout nécessite des compétences d'ingénieur pour produire au finish un son qui s'apparente aux parasites des ondes courtes, et coûte une véritable fortune.

Ò

En 1967-69, la musique populaire se pare d'effets sonores produits par l'électronique: les Beatles emploient les boucles magnétique, les oscillateurs et le montage aléatoire (For the Benefit of Mr. Kite sur l'album Sergeant Pepper), Frank Zappa marche sur les traces de Varèse en composant des morceaux pour bande magnétique (We're only in it for the Money par ex.), et le Velvet Underground expérimente les sons sales des distorsions. En 1967, Walter Carlos, qui deviendra plus tard Wendy Carlos, compose Switch on Bach, un arrangement de Bach pour synthétiseur, et composera plus tard la musique de Orange Mécanique de Stanley Kubrick. Keith Emerson, lui, présente son "mur électronique" constitué de 5 synthétiseurs Moog. On commence à parler des synthés dans la presse grand public.

En 1968, aux Etats-Unis, un allumé premier dan, Philip Glass, élève de Darius Milhaud, Nadia Boulanger et Ravi Shankar, et admirateur de John Cage, présente pour la première fois en public une composition, "Two Pages", qui marquera durablement la musique électronique. Sa musique part d'une "pattern" (en gros, un squelette de mesure musicale) qu'on va décliner en faisant varier les intervalles de hauteur ou de temps, ou par addition/soustraction de notes. Ce n'est pas à proprement parler de la musique électronique, même si Glass emploie un orgue électrique, un magnétophone et des instruments amplifiés, mais le procédé va fasciner une quantité incroyable de musiciens. Il faut dire que le résultat est impressionnant: la répétition donne l'impression que le temps est arrété, on dirait la musique presque solide, on a l'impression qu'elle a un volume, une densité.

Cette oeuvre serviront de brouillon au véritable chef-d'oeuvre de Glass, "Einstein on the Beach", un opéra qui a été présenté pour la première fois en 1976 au festival d'Avignon, et que je ne me lasse pas d'écouter même si ça dure entre quatre et cinq heures selon les versions: si vous ne connaissez pas ça, précipitez vous chez votre disquaire, et essayez d'écouter de préférence la version de 76, beaucoup plus tendue et impressionnante que celle de 93.

Glass, est, avec Steve Reich et Terry Riley, un des compositeur qui a donné ses lettres de noblesses à la musique répétitive, ou minimaliste : écoutez par exemple "Tehilim" ou "Musique pour 18 musiciens" de Reich pour vous en convaincre.