© Bernard Pinon 1998-2020

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Samedi 12 décembre 2020>

Cocorico! C'est en France que fut inventé en 1928 le premier instrument achevé où les sons étaient entièrement produits par l'électricité. L'inventeur, Monsieur Martenot, lui donna son nom. Les Ondes Martenot étaient composées d'un clavier qui pilotait des oscillateurs à lampe.

Les jeux de sons étaient produits par différents types de haut parleurs savamment trafiqués. En plus d'un clavier monodique mais extrèmement sensitif, l'engin possédait un ruban métallique grâce auquel on pouvait influer sur la hauteur du son de manière continue. Les Ondes martenot suscitèrent l'intérêt des compositeurs de l'époque, mais elles ne furent jamais utilisées que comme un orgue un peu particulier et ne furent à la base d'aucune révolution musicale. Elles survivent aujourd'hui grâce à la qualité du répertoire qui leur est consacré.

Les Ondes ne furent pas la première tentative d'instrument électrique. Citons par exemple le Dynamophone (1906) qui pesait 200 tonnes et n'est plus en service de nos jours, ou le Aetherophone (1920, Russie) qui a connu une plus fructueuse carrière puisqu'on peut encore le trouver sous le nom de Theremine et l'entendre sur le célèbre "Good Vibration" des Beach Boys.

La vraie révolution, le vrai point de départ, n'a pas été un instrument de musique, ce fut l'invention de l'enregistrement magnétique par AEG en Allemagne en 1935. Non seulement le magnétophone permettait d'enregistrer et de restituer des sons avec une qualité plus qu'honorable, mais il était possible de couper, de coller, d'assembler la bande magnétique comme on l'aurait fait de petits fragments de partition. Le montage sonore allait ouvrir la porte à un foisonnement de genres musicaux inédits.

En 1948, un Français encore, Pierre Shaeffer, est un des premiers à avoir l'idée non seulement d'utiliser le montage pour composer, mais aussi de partir des bruits, bruits mécaniques ou naturels, et de les assembler pour en faire du bruit organisé, c'est à dire de la musique. Il nomme le fruit de ce procédé "musique concrète". Cette invention reste éloignée du grand public mais suscite l'intérêt des compositeurs.

A la même époque, certains poëtes comme Henry Chopin ou Bernard Heidsick, fascinés par le magnétophone, vont l'utiliser pour créer des ambiances illustrant leur textes et prendront le nom de "Poëtes Sonores".

En 1953, Karlheinz Stockhausen compose une étude où il essaye de créer des sons complexes à partir de sons purs produits par des générateurs électroniques (synthèse additive). En 1955, Harry Olson et Belar, qui travaillent pour RCA, inventent le premier Synthétiseur électronique de musique, basé sur des générateurs d'ondes carrées modifiées par des filtres, et programmables à l'aide d'une bande de papier perforée. A la même époque, Lejaren Hiller et Leonard Isaacson, de l'Université d'Illinois composent l'lliac String Quartet, la première pièce de musique jouée par un ordinateur (un Univac).

En 1958, la société Phillips demande à l'architecte Le Corbusier de lui construire un pavillon pour l'exposition universelle. Il est décidé que les visiteurs baigneront dans une ambiance musicale faite de sons électroniques. Le Corbusier fait appel à Edgar Varèse, compositeur Français qui vit aux Etats-Unis et qui s'est fait connaitre par l'extrémisme de ses compositions d'avant-garde (qui restent d'ailleur toujours d'avant-garde aujourd'hui). Varèse se fait assister d'un jeune architecte grec passionné de musique et d'électronique, Iannis Xénakis. Ils composent en utilisant des sons électroniques produits par des oscillateurs et traités par des filtres, qu'ils assemblent en utilisant le montage, comme en musique concrète. Le résultat s'appelle "poème électronique", et il serait malhonnète de dire que c'est la meilleure oeuvre de Varèse mais bon, c'est la première oeuvre digne de ce nom qui n'utilise que des sons électroniques, voire même la première oeuvre multimédia puisqu'elle était synchronisée avec des projections d'images.

On en est encore à découvrir les possibilités de ces nouveaux instruments, et déjà on pressent qu'ils vont révolutionner la manière de composer la musique. Les modernes avaient bien fait sauter les contraintes de l'harmonie et du contrepoint avec l'atonalité ou la musique sérielle (écouter particulièrement Schoenberg, Varèse et surtout John Cage), mais on était encore bridé par les limites de l'interprètation. Avec le montage sonore, on peut composer avec n'importe quel son, voire réutiliser des plages entières d'autres musiques, les déformer, les étirer, en faire varier la hauteur et le timbre, les diluer ou les concentrer, les répéter à l'infini et les organiser presque sans limite. On pressent aussi l'importance que va prendre la table de mixage, car celle-ci offre au musicien des possibilités d'interprétation en temps réel des montages sonores: au magnétophone correspond la composition, et à la table de mixage l'interprétation.

Dans la lignée des Ondes Martenot, on produit de plus en plus du son synthétique avec des oscillateurs et des filtres. Un petit peu de théorie pour expliquer comment ça marche:

Un son est un mélange assez hétérogène de sons purs dont le dosage évolue dans le temps. Un son pur, c'est par exemple le son d'une flûte: si on utilise un oscilloscope, on verra une belle sinusoïde (et paf, deux gros mots dans la même phrase!).

Cet oscilloscope montre une sinusoïde (en haut) et un signal carré. Ce dernier correspond à un son proche des cuivres

Il y a déjà quelques lustres, un mathématicien nommé Fourier avait démontré que tout son peut se décomposer en une superposition de sons purs. La liste de ces sons purs et leur dosage constitue le spectre du son. Ce spectre n'est pas forcément constant au cours du temps.

Chaque son pur est déterminé par deux paramètres qui sont sa fréquence (plus la fréquence est élevée, plus le son est aigu) et son intensité (plus l'intensité est élevée, plus le son est fort). La fréquence se mesure en Hertz: vous commencez à entendre les sons à partir de 15-30 Hertz et vous n'entendez plus rien à partir de 15000-20000 Hertz, voire moins (ou alors vous êtes un chien). La tonalité de votre téléphone fixe est de 440 Hertz, comme celle du diapason. Quand on double la fréquence, on monte le son d'une octave (on retombe sur la même note, mais en plus aigu). Quant à l'intensité, elle se mesure en Bel, ou plutôt en dixièmes de Bel ou encore Décibels. Le Décibel est une unité un peu particulière en ce sens où elle mesure notre perception de l'intensité du son, et non l'intensité elle même: en effet, plus le bruit est fort, plus notre oreille peine à entendre. Pour entendre deux fois plus fort, il faut élever au carré la puissance des amplis: si votre chaîne crache 10 Watts et que vous voulez avoir deux fois plus de pêche, il faudra aligner 100 Watts et non pas 20. Le Décibel tient compte de cette particularité. Un chuchotement fait environ 10 dB, le bruit des vagues sur la plage 40 dB, vous criez à 70 dB, et un avion décolle à 110 dB.

Si on a un son musical, c'est à dire un son dont on peut dire 'tiens c'est un do (ou un ré ou un mi...)', il y a forcément un son pur qui est plus important que les autres: c'est la fondamentale, celui qui détermine la hauteur de la note. Les autres sons purs ont une fréquence multiple de la fondamentale et constituent les harmoniques. On pourra aussi trouver des sons purs dont la fréquence n'a rien à voir avec celle de la fondamentale, et qui viendront 'salir' le son, qui se rapprochera alors d'un bruit. Le mélange ainsi obtenu va évoluer en dosage de fréquence et en intensité. L'histoire de l'intensité du son constitue son enveloppe, qui se compose de quatre grandes périodes: l'attaque,  le decay, chute du son après l'attaque, le sustain, période où le son est maintenu, et enfin release où le son meurt.

Pour produire électroniquement du son, on va faire vibrer la membrane d'un haut parleur à l'aide d'un courant électrique dont les variations seront le reflet de la fréquence et de l'intensité du son à produire. On parle de technologie analogique du fait que les variations du courant électriques sont analogues à celles du son à produire, par opposition aux technologies numériques où le courant véhicule un codage d'une série de mesures (échantillons) faites à intervalle réguliers sur le son. Les variations du courant électrique peuvent être modulées par des capteurs (microphone, tête de lecture d'un magnétophone ou d'une platine disque, récepteur radio, etc...), mais aussi artificiellement à partir d'oscillateurs. On va ensuite faire passer ce courant dans des modules qui vont ajouter leur grain de sel: filtres qui modifient le spectre, distorsions et effets divers.

Cf. Wikipedia